D'une mère à sa fille

D'un frère à sa soeur

Un Esprit au convoi de son corps

Mort d'un spirite

Une mort annoncée






Mère, je suis là !

Madame *** venait de perdre depuis quelques mois sa fille unique, âgée de quatorze ans, objet de toute sa tendresse, et bien digne de ses regrets par les qualités qui promettaient d'en faire une femme accomplie. Cette jeune personne avait succombé à une longue et douloureuse maladie. La mère, inconsolable de cette perte, voyait de jour en jour sa santé s'altérer, et répétait sans cesse qu'elle irait bientôt rejoindre sa fille. Instruite de la possibilité de communiquer avec les êtres d'outre-tombe, Madame *** résolut de chercher, dans un entretien avec son enfant, un adoucissement à sa peine. Une dame de sa connaissance était médium ; mais, peu expérimentées l'une et l'autre pour de semblables évocations, surtout dans une circonstance aussi solennelle, on me pria d'y assister. Nous n'étions que trois : la mère, le médium et moi. Voici le résultat de cette première séance.

LA MERE. Au nom de Dieu Tout-Puissant, Esprit de Julie ***, ma fille chérie, je te prie de venir si Dieu le permet.

JULIE. Mère ! je suis là.

LA MERE. Est-ce bien toi, mon enfant, qui me réponds ? Comment puis-je savoir que c'est toi ?

JULIE. Lili.

(C'était un petit nom familier donné à la jeune fille dans son enfance ; il n'était connu ni du médium ni de moi, attendu que depuis plusieurs années on ne l'appelait que par son nom de Julie. A ce signe, l'identité était évidente ; la mère, ne pouvant maîtriser son émotion, éclata en sanglots.)

JULIE. Mère ! pourquoi t'affliger ? Je suis heureuse, bien heureuse ; je ne souffre plus et je te vois toujours.

LA MERE. Mais moi je ne te vois pas. Où es-tu ?

JULIE. Là, à côté de toi, ma main sur Madame *** (le médium) pour lui faire écrire ce que je te dis. Vois mon écriture. (L'écriture était en effet celle de sa fille.)

LA MERE. Tu dis : ma main ; tu as donc un corps ?

JULIE. Je n'ai plus ce corps qui me faisait tant souffrir ; mais j'en ai l'apparence. N'es-tu pas contente que je ne souffre plus, puisque je puis causer avec toi ?

LA MERE. Si je te voyais je te reconnaîtrais donc !

JULIE. Oui, sans doute, et tu m'as déjà vue souvent dans tes rêves.

LA MERE. Je t'ai revue en effet dans mes rêves, mais j'ai cru que c'était un effet de mon imagination, un souvenir.

JULIE. Non ; c'est bien moi qui suis toujours avec toi et qui cherche à te consoler ; c'est moi qui t'ai inspiré l'idée de m'évoquer. J'ai bien des choses à te dire. Défie-toi de M. *** ; il n'est pas franc.

(Ce monsieur, connu de la mère seule, et nommé ainsi spontanément, était une nouvelle preuve de l'identité de l'Esprit qui se manifestait.)

LA MERE. Que peut donc faire contre moi Monsieur *** ?

JULIE. Je ne puis te le dire ; cela m'est défendu. Je ne puis que t'avertir de t'en méfier.

LA MERE. Es-tu parmi les anges ?

JULIE. Oh ! pas encore ; je ne suis pas assez parfaite.

LA MERE. Je ne te connaissais cependant aucun défaut ; tu étais bonne, douce, aimante et bienveillante pour tout le monde ; est-ce que cela, ne suffit pas ?

JULIE. Pour toi, mère chérie, je n'avais aucun défaut ; je le croyais : tu me le disais si souvent ! Mais à présent, je vois ce qui me manque pour être parfaite.

LA MERE. Comment acquerras-tu les qualités qui te manquent ?

JULIE. Dans de nouvelles existences qui seront de plus en plus heureuses.

LA MERE. Est-ce sur la terre que tu auras ces nouvelles existences ?

JULIE. Je n'en sais rien.

LA MERE. Puisque tu n'avais point fait de mal pendant ta vie, pourquoi as-tu tant souffert ?

JULIE. Epreuve ! Epreuve ! Je l'ai supportée avec patience, par ma confiance en Dieu ; j'en suis bien heureuse aujourd'hui. A bientôt, mère chérie !

En présence de pareils faits, qui oserait parler du néant de la tombe quand la vie future se révèle à nous pour ainsi dire palpable ? Cette mère, minée par le chagrin, éprouve aujourd'hui un bonheur ineffable à pouvoir s'entretenir avec son enfant ; il n'y a plus entre elles de séparation ; leurs âmes se confondent et s'épanchent dans le sein l'une de l'autre par l'échange de leurs pensées.

Malgré le voile dont nous avons entouré cette relation, nous ne nous serions pas permis de la publier, si nous n'y étions formellement autorisé. Puissent, nous disait cette mère, tous ceux qui ont perdu leurs affections sur la terre, éprouver la même consolation que moi !

Nous n'ajouterons qu'un mot à l'adresse de ceux qui nient l'existence des bons Esprits ; nous leur demanderons comment ils pourraient prouver que l'Esprit de cette jeune fille était un démon malfaisant.




Mlle CLARY D...

Nota. Mademoiselle Clary D..., intéressante enfant, morte en 1850, à l'âge de 13 ans, est depuis lors restée comme le génie de sa famille, où elle est fréquemment évoquée, et à laquelle elle a fait un grand nombre de communications du plus haut intérêt. L'entretien que nous rapportons ci-après a eu lieu entre elle et nous le 12 janvier 1857, par l'intermédiaire de son frère médium.

1. Avez-vous un souvenir précis de votre existence corporelle ?
R. L'Esprit voit le présent, le passé et un peu de l'avenir selon sa perfection et son rapprochement de Dieu.

2. Cette condition de la perfection est-elle seulement relative à l'avenir, ou se rapporte-t-elle également au présent et au passé ?
R. L'Esprit voit l'avenir plus clairement à mesure qu'il se rapproche de Dieu. Après la mort, l'âme voit et embrasse d'un coup d'oeil toutes ses émigrations passées, mais elle ne peut voir ce que Dieu lui prépare ; il faut pour cela qu'elle soit tout entière en Dieu après bien des existences.

3. Savez-vous à quelle époque vous serez réincarnée ?
R. Dans 10 ans ou 100 ans.

4. Sera-ce sur cette terre, ou dans un autre monde ?
R. Un autre monde.

5. Le monde où vous serez est-il, par rapport à la terre, dans des conditions meilleures, égales ou inférieures ?
R. Beaucoup mieux que sur terre ; on y est heureux.

6. Puisque vous êtes ici parmi nous, y êtes-vous à une place déterminée et en quel endroit ?
R. J'y suis enapparence éthéréenne ; je puis dire que mon Esprit proprement dit s'étend beaucoup plus loin ; je vois beaucoup de choses, et je me transporte bien loin d'ici avec la vitesse de la pensée ; mon apparence est à droite de mon frère et guide son bras.

7. Ce corps éthéréen dont vous êtes revêtue, vous permet-il d'éprouver des sensations physiques, comme par exemple celle du chaud ou du froid ?
R. Quand je me souviens trop de mon corps, j'éprouve une sorte d'impression comme lorsqu'on quitte un manteau et que l'on croit encore le porter quelque temps après.

8. Vous venez de dire que vous pouvez vous transporter avec la rapidité de la pensée ; la pensée n'est-elle pas l'âme elle-même qui se dégage de son enveloppe ?
R. Oui.

9. Lorsque votre pensée se porte quelque part, comment se fait la séparation de votre âme ?
R. L'apparence s'évanouit ; la pensée marche seule.

10. C'est donc une faculté qui se détache ; l'être restant où il est ?
R. La forme n'est pas l'être.

11. Mais comment cette pensée agit-elle ?
N'agit-elle pas toujours par l'intermédiaire de la matière ?
R. Non.

12. Lorsque votre faculté de penser se détache, vous n'agissez donc plus par l'intermédiaire de la matière ?
R. L'ombre s'évanouit ; elle se reproduit où la pensée la guide.

13. Puisque vous n'aviez que 13 ans quand votre corps est mort, comment se fait-il que vous puissiez nous donner, sur des questions abstraites, des réponses qui sont hors de la portée d'un enfant de votre âge ?
R. Mon âme est si ancienne !

14. Pouvez-vous nous citer, parmi vos existences antérieures, une de celles qui ont le plus élevé vos connaissances ?
R. J'ai été dans le corps d'un homme que j'avais rendu vertueux ; après sa mort je suis allée dans le corps d'une jeune fille dont le visage était l'empreinte de l'âme ; Dieu me récompense.

15. Pourrait-il nous être donné de vous voir ici telle que vous êtes actuellement ?
R. Vous le pourriez.

16. Comment le pourrions-nous ? Cela dépend-il de nous, de vous ou de personnes plus intimes ?
R. De vous.

17. Quelles conditions devrions-nous remplir pour cela ?
R. Vous recueillir quelque temps, avec foi et ferveur ; être moins nombreux, vous isoler un peu, et faire venir un médium dans le genre de Home.




Etat de l'âme au moment de la mort.

Les Esprits nous ont toujours dit que la séparation de l'âme et du corps ne se fait pas instantanément ; elle commence quelquefois avant la mort réelle pendant l'agonie ; quand la dernière pulsation s'est fait sentir, le dégagement n'est pas encore complet ; il s'opère plus ou moins lentement selon les circonstances, et jusqu'à son entière délivrance l'âme éprouve un trouble, une confusion qui ne lui permettent pas de se rendre compte de sa situation ; elle est dans l'état d'une personne qui s'éveille et dont les idées sont confuses. Cet état n'a rien de pénible pour l'homme dont la conscience est pure ; sans trop s'expliquer ce qu'il voit, il est calme et attend sans crainte le réveil complet ; il est au contraire plein d'angoisses et de terreur pour celui qui redoute l'avenir. La durée de ce trouble, disons-nous, est variable ; elle est beaucoup moins longue chez celui qui, pendant sa vie, a déjà élevé ses pensées et purifié son âme ; deux ou trois jours lui suffisent, tandis que chez d'autres il en faut quelquefois huit et plus. Nous avons souvent assisté à ce moment solennel, et toujours nous avons vu la même chose ; ce n'est donc pas une théorie, mais un résultat d'observations, puisque c'est l'Esprit qui parle et qui peint sa propre situation. En voici un exemple d'autant plus caractéristique et d'autant plus intéressant pour l'observateur qu'il ne s'agit plus d'un Esprit invisible écrivant par un médium, mais bien d'un Esprit vu et entendu en présence de son corps, soit dans la chambre mortuaire, soit dans l'église pendant le service funèbre.

M. X... venait d'être frappé d'une attaque d'apoplexie ; quelques heures après sa mort, M. Adrien, un de ses amis, se trouvait dans sa chambre avec la femme du défunt ; il vit distinctement l'Esprit de celui-ci se promener de long en large, regarder alternativement son corps et les personnes présentes, puis s'asseoir dans un fauteuil ; il avait exactement la même apparence que de son vivant ; il était vêtu de même, redingote noire, pantalon noir ; il avait les mains dans ses poches et l'air soucieux.

Pendant ce temps, sa femme cherchait un papier dans le secrétaire, son mari la regarde et dit : Tu as beau chercher, tu ne trouveras rien. Elle ne se doutait nullement de ce qui se passait, car M. X... n'était visible que pour M. Adrien.

Le lendemain, pendant le service funèbre, M. Adrien vit de nouveau l'Esprit de son ami errer à côté du cercueil, mais il n'avait plus le costume de la veille ; il était enveloppé d'une sorte de draperie. La conversation suivante s'engagea entre eux. Remarquons, en passant, que M. Adrien n'est point somnambule ; qu'à ce moment, comme le jour précédent, il était parfaitement éveillé, et que l'Esprit lui apparaissait comme s'il eut été un des assistants au convoi.

D. Dis-moi un peu, cher Esprit, que ressens-tu maintenant ?
R. Du bien et de la souffrance.
D. Je ne comprends pas cela.
R. Je sens que je suis vivant de ma véritable vie, et cependant je vois mon corps ici, dans cette boite ; je me palpe et ne me sens pas, et cependant je sens que je vis, que j'existe ; je suis donc deux êtres ?
Ah ! laissez-moi me tirer de cette nuit, j'ai le cauchemar.

D. En avez-vous pour longtemps à rester ainsi ?
R. Oh ! non ; Dieu merci, mon ami ; je sens que je me réveillerai bientôt ; ce serait horrible autrement ; j'ai les idées confuses ; tout est brouillard ; songe à la grande division qui vient de se faire... je n'y comprends encore rien.

D. Quel effet vous fit la mort ?
R. La mort ! je ne suis pas mort, mon enfant, tu te trompes. Je me levais et fus frappé tout d'un coup par un brouillard qui me descendit sur les yeux ; puis, je me réveillai, et juge de mon étonnement, de me voir, de me sentir vivant, et de voir à côté, sur le carreau, mon autre ego couché. Mes idées étaient confuses ; j'errais pour me remettre, mais je ne pus ; je vis ma femme venir, me veiller, se lamenter, et je me demandais pourquoi ? Je la consolais, je lui parlais, et elle ne me répondait ni ne me comprenait ; c'est là ce qui me torturait et rendait mon Esprit plus troublé. Toi seul m'as fait du bien, car tu m'as entendu et tu comprends ce que je veux ; tu m'aides à débrouiller mes idées, et tu me fais grand bien ; mais pourquoi les autres ne font-ils pas de même ? Voilà ce qui me torture... Le cerveau est écrasé devant cette douleur... Je m'en vais la voir, peut-être m'entendra-t-elle maintenant... Au revoir, cher ami ; appelle-moi et j'irai te voir... Je te ferai même visite en ami... Je te surprendrai... au revoir !

M. Adrien le vit ensuite aller près de son fils qui pleurait : il se pencha vers lui, resta un moment dans cette situation et partit rapidement. Il n'avait pas été entendu, et se figurait sans doute produire un son ; moi, je suis persuadé, ajoute M. Adrien, que ce qu'il disait arrivait au coeur de l'enfant ; je vous prouverai cela. Je l'ai revu depuis, il est plus calme.

Remarque. Ce récit est d'accord avec tout ce que nous avions déjà observé sur le phénomène de la séparation de l'âme ; il confirme avec des circonstances toutes spéciales, cette vérité qu'après la mort, l'Esprit est encore là présent. On croit n'avoir devant soi qu'un corps inerte, tandis qu'il voit et entend tout ce qui se passe autour de lui, qu'il pénètre la pensée des assistants, qu'il n'y a entre eux et lui que la différence de la visibilité et de l'invisibilité ; les pleurs hypocrites d'avides héritiers ne peuvent lui en imposer. Que de déceptions les Esprits doivent éprouver à ce moment !




Mort d'un Spirite.

M. J..., négociant du département de la Sarthe, mort le 15 juin 1859, était un homme bien sous tous les rapports, et d'une charité sans bornes. Il avait fait une étude sérieuse du Spiritisme dont il était un des fervents adeptes. Comme abonné à la Revue Spirite, il se trouvait avoir des rapports indirects avec nous, sans que nous nous soyons vus. En l'évoquant, nous avons pour but, non seulement de répondre au désir de ses parents et de ses amis, mais de lui donner personnellement un témoignage de notre sympathie, et de le remercier des choses obligeantes qu'il avait bien voulu dire et penser de nous. C'était, en outre, pour nous, un sujet d'étude intéressant au point de vue l'influence que la connaissance approfondie du Spiritisme peut avoir sur l'état de l'âme après la mort.

1. Evocation
R. Je suis là depuis longtemps.

2. Je n'ai jamais eu le plaisir de vous voir ; néanmoins, me reconnaissez-vous ?
R. Je vous reconnais d'autant mieux que je vous ai souvent visité, et que j'ai eu plus d'un entretien avec vous comme Esprit pendant ma vie.

Remarque. Ceci confirme le fait très important, et dont nous avons eu de nombreux exemples, des communications que les hommes ont entre eux, à leur insu, pendant leur vie. Ainsi, pendant le sommeil du corps, les Esprits voyagent et vont se visiter réciproquement. Ils rapportent au réveil une intuition des idées qu'ils ont puisées dans ces entretiens occultes, mais dont ils ignorent la source. Nous avons, de cette manière, pendant la vie, une double existence: l'existence corporelle qui nous donne la vie de relation extérieure, et l'existence spirite qui nous donne la vie de relation occulte.

3. Etes-vous plus heureux que sur terre ?
R. Est-ce à vous de me le demander ?

4. Je le conçois ; cependant, vous jouissiez d'une fortune honorablement acquise, qui vous procurait les jouissances de la vie ; vous aviez l'estime et la considération que vous méritaient votre bonté et votre bienfaisance, veuillez nous dire en quoi consiste la supériorité de votre bonheur actuel ?
R. Il consiste naturellement dans la satisfaction que me procure le souvenir du peu de bien que j'ai fait, et dans la certitude de l'avenir qu'il me promet ; et comptez-vous pour rien l'absence des inquiétudes et du tracas de la vie ; des souffrances corporelles et de tous ces tourments que nous nous créons pour satisfaire aux besoins du corps ? Pendant la vie, l'agitation, l'anxiété, des angoisses incessantes, même au sein de la fortune ; ici la tranquillité et le repos : c'est le calme après la tempête.

5. Six semaines avant de mourir, vous affirmiez avoir encore cinq années à vivre ; d'où vous venait cette illusion, alors que tant de personnes pressentent leur mort prochaine ?

R. Un Esprit bienveillant voulait écarter de ma pensée ce moment que j'avais la faiblesse de redouter sans l'avouer, malgré ce que je savais de l'avenir de l'Esprit.

6. Vous aviez sérieusement approfondi la science Spirite ; veuillez nous dire si, à votre entrée dans le monde des Esprits, vous avez trouvé les choses telles que vous vous les étiez figurées ?
R. A bien peu de chose près, si ce n'est quelques questions de détail que j'avais mal comprises.

7.La lecture attentive que vous faisiez de la Revue spirite et du livre des Esprits, vous a-t-elle beaucoup aidé en cela ?
R. Incontestablement ; c'est là principalement ce qui m'a préparé à mon entrée dans la véritable vie.

8. Avez-vous éprouvé un étonnement quelconque en vous trouvant dans le monde des Esprits ?
R.C'est impossible autrement ; mais étonnement n'est pas le mot : admiration plutôt. On est si loin de pouvoir se faire une idée de ce que c'est !

Remarque. Celui qui, avant d'aller habiter un pays, l'a étudié dans les livres, s'est identifié avec les moeurs de ses habitants, sa configuration, son aspect, au moyen de dessins, de plans et de descriptions, est moins surpris, sans doute, que celui qui n'en a aucune idée ; et pourtant la réalité lui montre une foule de détails qu'il n'avait pas prévus et qui l'impressionnent. Il doit en être de même du monde des Esprits, dont nous ne pouvons comprendre toutes les merveilles, parce qu'il est des choses qui dépassent notre entendement.

10. En quittant votre corps, avez-vous vu et reconnu immédiatement des Esprits autour de vous ?
R. Oui, et des Esprits chéris.

11. Que pensez-vous maintenant de l'avenir du Spiritisme ?
R. Un avenir plus beau que vous ne le pensez encore, malgré votre foi et votre désir.

12. Vos connaissances touchant les matières spirites vous permettront, sans doute, de nous répondre avec précision sur certaines questions. Pourriez-vous nous décrire clairement ce qui s'est passé en vous à l'instant où votre corps a rendu le dernier soupir, et où votre Esprit s'est trouvé libre ?
R. Il est, je crois, personnellement très difficile de trouver un moyen de vous le faire comprendre autrement qu'on ne l'a déjà fait, en comparant la sensation qu'on éprouve au réveil qui suit un profond sommeil; ce réveil est plus ou moins lent et difficile en raison directe de la situation morale de l'Esprit, et ne manque jamais d'être fortement influencé par les circonstances qui accompagnent la mort.

Remarque. Ceci est conforme à toutes les observations qui ont été faites sur l'état de l'Esprit au moment de sa séparation d'avec le corps ; nous avons toujours vu les circonstances morales et matérielles qui accompagnent la mort réagir puissamment sur l'état de l'Esprit dans les premiers moments.

13. Votre Esprit a-t-il conservé la conscience de son existence jusqu'au dernier moment, et l'a-t-il recouvrée immédiatement ?
Y a-t-il eu un moment d'absence de lucidité, et quelle en a été la durée?
R. Il y a eu un instant de trouble, mais presque inappréciable pour moi.

14. L'instant du réveil a-t-il eu quelque chose de pénible ?
R. Non, au contraire ; je me sentais, si je puis parler ainsi, allègre et dispos comme si j'avais respiré un air pur à la sortie d'une salle enfumée.

Remarque. Comparaison ingénieuse et qui ne peut être que l'expression de la vérité.

15. Vous rappelez-vous l'existence que vous aviez avant celle que vous venez de quitter ?
Quelle était-elle ?
R. Je me la rappelle on ne peut mieux. J'étais un bon serviteur auprès d'un bon maître, qui m'a reçu conjointement avec d'autres à ma rentrée dans ce monde bienheureux.

16. Votre frère, je crois, s'occupe moins des questions spirites que vous ne le faisiez ?
R. Oui, je ferai en sorte qu'il les prenne plus à coeur, si cela m'est permis. S'il savait ce que l'on y gagne, il y attacherait plus d'importance.

17. Votre frère a chargé M. B... de me faire part de votre décès ; ils attendent tous les deux avec impatience le résultat de notre entretien ; mais ils seront encore plus sensibles à un souvenir direct de votre part, si vous vouliez bien me charger de quelques paroles pour eux, ou pour d'autres personnes qui vous regrettent.
R. Je leur dirai, par votre entremise, ce que je leur aurais dit moi-même, mais je crains beaucoup de n'avoir pas plus d'influence près de quelques-uns d'entre eux que je n'en avais autrefois ; cependant je les conjure, en mon nom et en celui de leurs amis, que je vois, de réfléchir, et d'étudier sérieusement cette grave question du Spiritisme, ne fût-ce que pour le secours qu'elle apporte pour passer ce moment si redouté de la plupart, et si peu redoutable pour celui qui s'y est préparé à l'avance par l'étude de l'avenir et la pratique du bien. Dites-leur que je suis toujours avec eux, au milieu d'eux, que je les vois, et que je serai heureux si leurs dispositions peuvent leur assurer, dans le monde où je suis, une place dont ils n'auront qu'à se féliciter. Dites-le surtout à mon frère, dont le bonheur est mon voeu le plus cher, et que je n'oublie pas, quoique je sois plus heureux.

18. La sympathie que vous avez bien voulu me témoigner de votre vivant, sans m'avoir vu, me fait espérer que nous nous reconnaîtrons facilement quand je me trouverai parmi vous ; et jusque-là je serai heureux que vous veuilliez bien m'assister dans les travaux qui me restent à faire pour accomplir ma tâche.
R.
Vous me jugez trop favorablement ; néanmoins soyez convaincu que, si je puis vous être de quelque utilité, je ne manquerai pas de le faire, peut-être même sans que vous vous en doutiez.

19. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir à notre appel, et des explications instructives que vous nous avez données.
R. A votre disposition ; je serai souvent avec vous.

Remarque. Cette communication est sans contredit une de celles qui dépeignent la vie spirite avec le plus de clarté ; elle offre un puissant enseignement touchant l'influence que les idées spirites exercent sur notre état après la mort.

Cet entretien a paru laisser quelque chose à désirer à l'ami qui nous a fait part de la mort de M. J...
Ce dernier, nous répond-il, n'a pas conservé dans son langage le cachet d'originalité qu'il avait avec nous. Il se tient dans une réserve qu'il n'observait avec personne ; son style incorrect, saccadé, tranchait de l'inspiration : il osait tout ; il battait en brèche quiconque formulait une objection contre ses croyances ; il nous taillait en pièces pour nous convertir. Dans son apparition psychologique, il ne fait connaître aucune particularité des nombreuses relations qu'il avait avec une multitude de personnes qu'il fréquentait. Nous aurions tous aimé à nous voir désignés par lui, non pour satisfaire notre curiosité, mais pour notre instruction. Nous aurions voulu qu'il nous eût parlé nettement de quelques idées émises par nous, en sa présence, dans nos conversations. Il aurait pu me dire, à moi personnellement, si j'ai tort de m'arrêter à telle ou telle considération ; si ce que je lui ai dit est vrai ou faux. Il ne nous a point parlé de sa soeur encore vivante et si digne d'intérêt.

D'après cette lettre nous avons évoqué de nouveau M. J... et lui avons adressé les questions suivantes :

20. Avez-vous connaissance de la lettre que j'ai reçue en réponse à l'envoi de votre évocation.
R. Oui, je l'ai vu écrire.

21. Aurez-vous la bonté de nous donner quelques explications sur certains passages de cette lettre, et cela, comme vous le pensez bien, dans un but d'instruction, et uniquement pour me fournir les éléments d'une réponse ?
R. Si vous le trouvez utile, oui.

22. On trouve étrange que votre langage n'ait pas conservé son cachet d'originalité ; il paraît que, de votre vivant, vous étiez assez cassant dans la discussion.
R. Oui, mais le ciel et la terre sont bien différents, et ici j'ai trouvé des maîtres. Que voulez-vous ! ils m'impatientaient par leurs objections saugrenues ; je leur montrais le soleil, et ils ne voulaient pas le voir ; comment garder son sang-froid ?
Ici je n'ai pas à discuter ; nous nous comprenons tous.

23. Ces messieurs s'étonnent que vous ne les ayez pas interpellés nominativement pour les réfuter, comme vous le faisiez de votre vivant.
R. Qu'ils s'en étonnent! Je les attends ; quand ils viendront me rejoindre, alors ils verront qui de nous avait raison. Il faudra bien qu'ils y viennent bon gré mal gré eux, et les uns plus tôt qu'ils ne le croient ; leur jactance tombera comme la poussière abattue par la pluie ; forfanterie... (Ici l'Esprit s'arrête et refuse d'achever la phrase).

24. Ils en infèrent que vous ne leur portez pas tout l'intérêt qu'ils avaient droit d'attendre de vous ?
R. Je leur veux du bien, mais je ne le leur ferai pas malgré eux.

25. Ils s'étonnent également que vous n'ayez rien dit de votre soeur.
R. Sont-ils donc entre elle et moi ?

26. M. B... aurait voulu que vous lui eussiez dit ce qu'il vous a raconté dans l'intimité ; c'eût été pour lui et pour les autres un moyen de s'éclairer.
R. A quoi bon lui répéter ce qu'il sait ?
Croit-il que je n'aie que cela à faire ?
N'ont-ils pas tous les moyens de s'éclairer que j'avais moi-même ? qu'ils en profitent ! ils s'en trouveront bien, je le leur garantis. Quant à moi, je bénis le ciel de m'avoir envoyé la lumière qui m'a frayé la route de la félicité.

27. Mais c'est cette lumière qu'ils désirent et qu'ils seraient heureux de recevoir de vous.
R. La lumière luit pour tout le monde ; aveugle qui ne la voit pas ; celui-là tombera dans le précipice et maudira son aveuglement.

28. Votre langage me semble empreint d'une bien grande sévérité.
R. Ne m'ont-ils pas trouvé trop doux ?

29. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir, et des éclaircissements que vous nous avez donnés.
R. Toujours à votre service, parce que je sais que c'est pour le bien.




Jardin, 25 novembre 1859

Un funeste accident est arrivé à la gare du chemin de fer. Un homme âgé de soixante-deux ans, le sieur Jardin, était atteint en sortant de la cour de l'embarcadère, par les brancards d'un tilbury, et, quelques heures après, il rendait le dernier soupir.

La mort de cet homme a fait révéler une histoire des plus extraordinaires. La voici :

Jardin, avant d'être employé à l'entrepôt des tabacs de Nevers, habitait dans le Cher le bourg de Saint-Germain-des-Bois, où il exerçait la profession de tailleur. Sa femme avait succombé depuis cinq ans dans ce village aux atteintes d'une fluxion de poitrine, lorsqu'il y a huit ans il quitta Saint-Germain pour venir habiter Nevers. Jardin, laborieux employé, était d'une grande piété, d'une dévotion qu'il poussait jusqu'à l'exaltation ; il se livrait avec ferveur aux pratiques de la religion ; il avait dans sa chambre un prie-Dieu sur lequel il aimait souvent à s'agenouiller. Vendredi soir, se trouvant seul avec sa fille, il lui annonça tout à coup qu'un secret pressentiment l'avertissait que sa fin était prochaine. : Écoute, lui dit-il, mes dernières volontés : Quand je serai mort, tu remettras au sieur B la clef de mon prie-Dieu pour qu'il en enlève ce qu'il y trouvera et le dépose dans mon cercueil.

Etonnée de cette brusque recommandation, la fille Jardin, ne sachant trop si son père parlait sérieusement, lui demanda ce que pouvait contenir son prie-Dieu. Il refusa d'abord de lui répondre ; mais comme elle insistait, il lui fit cette étrange révélation que ce qui se trouvait dans le prie-Dieu : c'étaient les restes de sa mère ! Il lui apprit que, avant de quitter Saint-Germain-des-Bois, il s'était rendu pendant la nuit au cimetière. Tout le monde dormait au village ; se sentant bien seul, il s'était dirigé vers la tombe de sa femme, et, armé d'une pioche il avait creusé la terre jusqu'au moment où il atteignit la bière qui contenait les restes de celle qui avait été sa compagne. Ne voulant pas se séparer de cette précieuse dépouille, il avait recueilli les ossements et les avait déposés dans son prie-Dieu.

A cette étrange confidence, la fille Jardin, un peu effrayée, mais doutant toujours que son père parlât sérieusement lui promit cependant de se conformer à ses dernières volontés, bien persuadée qu'il voulait s'amuser à ses dépens, et que le lendemain il lui donnerait le mot de cette fantastique énigme.

Le lendemain samedi, Jardin se rendit à son bureau comme de coutume. Vers une heure, il fut envoyé à la gare des marchandises pour y prendre livraison des sacs de tabac destinés à l'approvisionnement de l'entrepôt. A peine sortait-il de la gare, que les brancards d'un tilbury, qu'il n'avait pas aperçu au milieu de l'encombrement des voitures qui stationnaient dans l'embarcadère, vinrent l'atteindre en pleine poitrine. Ses pressentiments ne l'avaient donc pas trompé.

Renversé par ce choc violent, il fut rapporté chez lui privé de sentiment.

Les secours qui lui furent prodigués lui firent recouvrer les sens. On le pria alors de se laisser enlever ses vêtements pour examiner ses blessures ; il s'y opposa vivement ; on insista, il s'y refusa encore. Mais, comme malgré sa résistance, on se disposait à ôter son habit, il s'affaissa tout à coup sur lui-même : il était mort.

Son corps fut déposé sur un lit, mais quelle ne fut pas la surprise des personnes présentes, lorsqu'après avoir dépouillé Jardin de ses vêtements, on vit sur son coeur un sac de peau, retenu par des liens attachés autour du corps ! Un coup de lancette donné par le médecin appelé pour constater le décès sépara le sac en deux parties : il s'en échappa une main desséchée !

La fille Jardin se souvenant alors de ce que son père lui avait dit la veille, fit prévenir les sieurs B et J menuisiers. Le prie-Dieu fut ouvert ; on en retira un schako de garde national. Dans le fond de ce schako se trouvait une tête de mort, encore garnie de ses cheveux ; puis dans le fond du prie-Dieu on aperçut, rangés sur les rayons, les os d'un squelette : c'étaient les restes de la femme de Jardin.

Dimanche dernier, on conduisait dans sa dernière demeure la dépouille de Jardin. Pour se conformer à la volonté du sexagénaire, on avait mis dans son cercueil les restes de sa femme, et sur sa poitrine la main desséchée qui, si nous pouvons nous exprimer ainsi, avait pendant huit ans senti battre son coeur

1. Évocation.
R. Je suis là.

2. Qui vous a prévenu que nous désirions vous parler ?
R. Je n'en sais rien ; j'ai été entraîné ici.

3. Où étiez-vous lorsque nous vous avons appelé ?
R. J'étais auprès d'un homme que j'aime, accompagné de ma femme.

4. Comment avez-vous eu le pressentiment de votre mort ?
R. J'en avais été averti par celle que je regrettais tant ; Dieu l'avait accordé à sa prière.

5. Votre femme était donc toujours auprès de vous ?
R. Elle ne me quittait pas.

6. Est-ce que les restes mortels de votre femme, que vous conserviez, étaient la cause de sa présence continuelle ?
R. Pas le moins du monde, mais je le croyais.

7. Ainsi, vous n'auriez pas conservé ces restes, que l'Esprit de votre femme n'en eût pas moins été près de vous ?
R. Est-ce que la pensée n'est pas là, et n'est-elle pas plus puissante pour attirer l'Esprit que des restes sans importance pour lui ?

8. Avez-vous revu immédiatement votre femme au moment de votre mort ?
R. C'est elle qui est venue m'éclairer et me recevoir.

9. Avez-vous eu immédiatement conscience de vous-même ?
R. Au bout de peu de temps ; j'avais une foi intuitive en l'immortalité de l'âme.

10. Votre femme a dû avoir des existences antérieures à la dernière, comment se fait-il qu'elle les eût oubliées pour se consacrer entièrement à vous ?
R. Elle tenait à me guider dans ma vie matérielle sans renoncer pour cela à ses anciennes affections. Quand nous disons que nous ne quittons jamais un Esprit incarné, vous devez comprendre que nous voulons dire par là que nous sommes près de lui plus souvent qu'ailleurs ; la rapidité de notre déplacement nous le permet aussi facilement qu'à vous une conversation avec plusieurs interlocuteurs.

11. Vous rappelez-vous vos existences précédentes ?
R. Oui, j'avais été dans ma dernière un pauvre habitant de la campagne, sans aucune instruction, mais précédemment j'avais été religieux, sincère, dévoué à l'étude.

12. L'affection extraordinaire que vous aviez pour votre femme n'aurait-elle pas eu pour cause d'anciennes relations dans d'autres existences ?
R. Non.

13. Êtes-vous heureux, comme Esprit ?
R. On ne peut plus, vous devez le penser.

14. Veuillez nous définir votre bonheur actuel et nous en dire la cause ?
R. Je ne devrais pas avoir besoin de vous le dire : j'aimais, et je regrettais un Esprit chéri ; j'aimais Dieu ; j'étais honnête homme ; j'ai retrouvé celle que je regrettais ; ce sont là des éléments de bonheur pour un Esprit.

15. Quelles sont vos occupations comme Esprit ?
R. Je vous ai dit qu'au moment de votre appel j'étais près d'un homme que j'aimais ; je cherchais à lui inspirer le désir du bien, comme le font toujours les Esprits que Dieu en juge dignes. Nous avons aussi d'autres occupations que nous ne pouvons encore vous révéler.

16. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir.
R. Je vous remercie aussi.