
La définition de l’exclusion, d’après le dictionnaire Larousse est la suivante :
1/ Situation d’une personne ou d’un groupe qui a été rejeté, chassé d’un groupe.
2/ Situation d’une personne ou d’un groupe qui n’est plus considéré comme
membre à part entière de la société.
La deuxième définition étant la conséquence de la première.
A priori, l’exclusion apparaît comme une action négative ; elle l’est, en effet dans la plupart des cas.
Il existe cependant des exclusions positives : le fait d’exclure les fumeurs des lieux publics,
le fait d’exclure des personnes nuisibles dans une assemblée, par exemple les hooligans et les skin head exclus
des tribunes des stades de football.
L’exclusion sociale est celle qui nous touche le plus car c’est la relégation ou la marginalisation
sociale de personnes qui ne correspondent pas au modèle dominant d’une société.
Elle n’est généralement ni véritablement créée délibérément ni socialement admise, mais elle constitue
une dégradation plus ou moins brutale des liens sociaux.
En occident, dès la cessation de la participation active au marché du travail, il s’en suit que
de nombreux chômeurs se sont sentis ainsi exclus et ce, d’autant plus pour ceux qui étaient syndiqués
puisque avec la perte de leur travail ; ils perdaient ainsi toute reconnaissance et défense au niveau
de leur syndicat. L’exclusion sociale, en privant une personne ou un groupe, nie son identité.
Lorsque des groupes qui se sentent exclus socialement, ont encore assez de ressource (humaines,
financières ou syndicales), ils peuvent développer des réactions à cette exclusion par des manifestations.
Par contre, lorsque cette exclusion concerne des groupes fragilisés économiquement, elle entretient
leur déchéance, certains s’y résignent parce qu’ils n’acceptent pas la société dans laquelle nous vivons ;
ils deviennent alors des marginaux.
Maintenant, que ce soit dans le secteur privé ou dans la fonction publique, des directives sont données
en haut lieu pour accroître la rentabilité par le rendement toujours jugé insuffisant. La relation humaine
disparaît au profit des objectifs à atteindre.
Je vais vous citer un cas parmi tant d’autres, qui donne à réfléchir.
Ma fille travaille chez France Télécom. Elle a tellement subi de pressions par ses supérieurs qu’elle a
dû cesser son travail pendant deux semaines, étant devenue anxieuse et dépressive.
Je vais vous décrire comment elle s’est défendue. Elle a tout d’abord présenté une déclaration de
ses collègues dont voici le contenu :
« Le personnel de France Télécom de Boulogne sur mer déclare connaître……… ……..
depuis plusieurs années. C’est une collègue de travail qui dégage l’enthousiasme et la joie de vivre,
c’est une collègue qui est positive vis-à-vis de son travail.
Ce matin du 25 janvier 2007, nous l’avons trouvée en larmes à sa position de travail, elle était
à bout depuis plusieurs jours.
Nous constatons que la cause de cet état est la pression permanente subie par tout le monde, aucune considération
et toujours des reproches de la part de nos supérieurs fait que nous perdons foi dans nos capacités au travail.
Nous pensons aussi qu d’autres effondrements pour la même cause suivront dans les semaines ou les mois
à venir si le climat reste en l’état.
Elle a ensuite envoyé une lettre à son chef de secteur dans laquelle elle décrit ce qu’elle ressent :
Je m’adresse à mon chef de secteur, à mes responsables de service, à mon médecin du travail,
à mes collègues de travail en espérant être entendue .Je veux dénoncer des conditions de travail
qui génèrent un stress, un mal être, des conditions de travail qui se dégradent à un
point où la vie devient insupportable.
Depuis que France Télécom doit faire face à une concurrence de plus en plus féroce,l’entreprise
est tenue à un résultat pour satisfaire ses actionnaires, les méthodes employée pour « faire du chiffre »
sont dévastatrices sur la santé psychique du personnel.
Sur une plate-forme téléphonique le métier est très difficile, la clientèle de plus en plus exigeante,
de moins en moins patiente. La relation client conseiller téléphonique se passe de plus en
plus à « couteau tiré », et ce à cause des problèmes liés à notre organisation, de plus le rythme des
appels s’accentue toujours alors que l’enregistrement sur les applications informatiques devient de plus en
plus compliqué et demande de plus en plus de temps. Les objectifs en termes de placements de produits et
services deviennent inatteignables et tout le monde est pénalisé. Le moindre temps mort est traqué par
les responsables de groupe, il n’y a plus aucun répit, la vie au travail devient un véritable calvaire.
Le télé-conseillé est stressé par tous les côtés, stressé par le client, stressé par ses responsables, stressé
par les chiffres et quand on veut essayer de faire comprendre à la hiérarchie que les méthodes managériales
employées nous font énormément de mal, la réponse est : il faut atteindre les objectifs, en résumé on ne nous
le dit pas mais c’est « marche ou crève ».
Est-ce qu’il reste un soupçon d’humanité dans les entreprises, sommes-nous devenus les esclaves des temps
modernes pour servir le profit ? Quelle tournure va prendre une vie professionnelle pour des vendeurs à
France Télécom si il faut toujours augmenter le chiffre d’affaires alors que les clients ont eux aussi
leurs limites dans cette société de consommation où tout est inabordable ?
Est-ce que quelqu’un là-haut (une tête pensante) va se remettre en mémoire que les gens qui travaillent
sont des humains et pas des robots ?
Est-ce que ceux qui nous mettent la pression se tiennent au courant de l’évolution toujours
croissante des arrêts de maladie dont la cause est le stress et est-ce que ces mêmes personnes ne se
sentent pas concernées par les deux collègues de Boulogne et de Montreuil qui se sont suicidés dernièrement ?
J’espère seulement que cette intervention avec l’appui de mes collègues permettra à notre direction
de prendre conscience de la gravité de la situation, qu’elle sera prise au sérieux et qu’elle permettra
à nos dirigeants de mettre tout en œuvre pour que le climat social s’améliore au sein de notre entreprise.
Certaines personnes fragiles ne se sont pas remises de ces pressions, elles n’ont pas voulu reprendre
le travail dans de telles conditions et elles ont été exclues pour absences répétées.
J’essaye d’être lucide. Pourquoi ces pressions sont de plus en plus fortes ?...
Pourquoi la compétitivité s’acharne à produire plus ?...
Pourquoi rejette-t-on comme des déchets des hommes et des femmes qui travaillent ?...
Je pense que les pays riches dont nous faisons partie essayent de garder leurs avantages par rapport aux pays
en voie de développement, c’est le principe des vases communicants.
Cependant, l’exclusion sociale provoquée par le manque d’emploi atteint aussi d’autres champs et
d’autres valeurs comme la famille, le logement, la culture, la scolarisation.
Dans le monde des exclus, on ne peut oublier les difficultés qu’éprouvent bon nombre d’handicapés à
s’intégrer dans une société dont les fondements ne sont pas prévus pour eux.
Cette situation inquiétante était déjà dénoncée dès 1996 par Viviane Forrester dans son livre intitulé
« l’horreur économique » dont je me contenterai de vous citer un passage qui m’a paru important :
«Nous vivons au sein d’un leurre magistral d’un monde disparu que des politiques artificielles prétendent perpétuer.
Nos concepts du travail et par là, du chômage, autour desquels la politique se joue (ou prétend se jouer)
n’ont plus de substance : des millions de vies sont ravagées, des destins sont anéantis par cet anachronisme.
L’imposture générale continue d’imposer les systèmes d’une société périmée afin que passe inaperçue
une nouvelle forme de civilisation qui déjà pointe, où seul un très faible pourcentage de la population
terrestre trouvera des fonctions. L’extinction du travail passe par une simple éclipse, alors que pour
la première fois dans l’Histoire, l’ensemble des êtres humains est de moins en moins nécessaire au petit
nombre qui façonne l’économie et détient le pouvoir. Nous découvrons qu’au-delà de l’exploitation des hommes,
il y avait pire, et que, devant le fait de n’être plus même exploitable, la foule des hommes tenus pour superflus
peut trembler, et chaque homme dans cette foule. De l’exploitation à l’exclusion, de l’exclusion à l’élimination… ? »
Je vais maintenant conclure par une déclaration que j’apprécie beaucoup :
L’Abbé Pierre n’avait pas d’idée utopique quand il souhaitait un gouvernement mondial, non pas
la mondialisation qui ne fait qu’accentuer les différences mais un gouvernement d’entraide, ce qui
serait possible si les hommes luttaient contre leurs principaux défauts :
l’égoïsme et l’orgueil et qu’ils fortifiaient une belle qualité : l’altruisme.
Alain, le 9 mars 2007.